La théorie de l’attachement
Introduction
« Le terme d’attachement se réfère au concept élaboré par le psychiatre John Bowlby (1907-1990) dans la seconde moitié du 20ième siècle. Le lien d’attachement est le lien affectif privilégié que l’on établit avec une personne spécifique, auprès de laquelle on va se tourner pour trouver du réconfort en cas de détresse (phénomène de havre de sécurité) et retrouver ainsi un sentiment de sécurité interne qui va permettre de retourner explorer le monde (phénomène de base de sécurité) ».(Mistycki & Guedeney, 2007)

Présentation de la théorie
L’attachement est décrit par Bowlby dans la première présentation de la théorie en 1958, comme un besoin inné et universel. Bowlby définit la notion de comportement d’attachement qui consiste pour le nourrisson à développer des stratégies afin de s’assurer de la proximité et la disponibilité de sa figure d’attachement privilégiée. Trois critères permettent de définir la figure primaire d’attachement (souvent la mère) : la personne qui prodigue les soins physiques et psychiques au nourrisson, lui assure une présence régulière et s’investit émotionnellement dans la relation. La sensibilité de l’adulte aux besoins de l’enfant et sa disponibilité seront des prédicteurs d’un système d’attachement construit sur des bases sécures. Ce système d’attachement se déclenche en cas de perception d’un stress ou un danger par l’enfant pour tenter de trouver réconfort et sécurité. Le système exploratoire permet à l’enfant de découvrir le monde et suppose pour s’activer que la base de sécurité, c’est-à-dire sa figure d’attachement, soit disponible ou accessible. En cas de signal d’alarme au cours de son exploration du monde, l’enfant peut retourner dans son havre de sécurité qu’est la figure d’attachement. Les Modèles Internes Opérants sont les modèles mentaux des relations interpersonnelles qui se construisent à partir des interactions précoces avec l’entourage et évoluent avec la répétition des expériences. Ils permettent de construire une image de soi et des autres.
Les styles d’attachement
Mary Ainsworth (1913-1999), collaboratrice de Bowlby, a défini un style d’attachement sécure et deux non sécures (ambivalent et évitant) mis en évidence par le paradigme de la situation étrange. Le nourrisson tente de s’assurer l’attachement de son parent par une stratégie de régulation émotionnelle. Si l’émotion du petit rencontre une disponibilité et une réponse adaptée, elle est régulée par le cargiver (littéralement le donneur de soin) et un attachement sécure s’installe. En revanche, lorsque la réponse est inadaptée, l’enfant développe des stratégies dîtes insécures. Selon qu’il va hyperactiver ses émotions ou les désactiver on parlera respectivement d’insécurité ambivalente ou évitante. Un quatrième style, insécure désorganisé correspond au cas où l’enfant ne dispose plus de stratégie pour faire face aux réactions de son parent. Il a été mis en évidence par Mary Main en 1990 (Tereno, Soares, Martins, Sampaio, & Carlson, 2007).
« De la naissance jusqu’à 3 mois environ, les modèles régulateurs de l’équilibre physiologique s’établissent et s’organisent dans le contexte de la matrice relationnelle primaire. Par essais et erreurs, le caregiver apprend à interpréter et à répondre de façon adaptée aux états fluctuants et aux signaux de l’enfant (p. ex.: aux pleurs). Ces modèles initiaux de régulation physiologique dans le cadre de la relation de soins servent de prototype pour une régulation psychologique ultérieure (Sroufe, 1995).(Tereno et al., 2007). C’est le lien émotionnel développé par le bébé dans sa première année qui servira de prototype pour sa régulation psychologique ultérieure. (Sroufe, 1995) (Tereno et al., 2007)
En explorant le concept de sensibilité maternelle, les travaux de Mary Ainsworth ont permis de mettre en parallèle des attitudes maternelles avec les styles d’attachement de l’enfant. Le caregiver est donc le verso de l’attachement au plan de l’adulte, c’est-à-dire sa capacité à réconforter et protéger l’enfant. Le caregiving s’appuie sur les compétences de l’adulte en termes de sensibilité, disponibilité et stabilité des réponses apportées au petit. Les principales caractéristiques maternelles de l’attachement sécure sont des contacts physiques réguliers et fréquents, une sensibilité maternelle aux signaux du bébé dans le respect de ses rythmes, une ambiance contrôlée et prévisible et un plaisir partagé dans le fait d’être ensemble.

L’attachement chez les adultes
Horowitz et Barthomolew (91) ont décrit 4 styles d’attachement des adultes selon deux dimensions que sont le modèle de soi et le modèle des autres : un style d’attachement sécure et 3 styles insécures : préoccupé, détaché et craintifs.
Sécure : avec un modèle de soi réaliste et une vision lucide de ses compétences et de ses points faibles couplée à une perception des autres lucide basée sur la confiance et sans naïveté, ces adultes se sentent compétents et reconnus ce qui les leur permet de faire face aux difficultés avec souplesse et en faisant appel au soutien social si nécessaire. Leur stratégie d’attachement est basée sur une régulation émotionnelle adéquate
Détaché : leur modèle de soi est indépendant dans le sens de ne pas avoir besoin des autres qui ne sont pas vus comme des ressources potentielles, méfiants, voire suspicieux à l’égard des autres, ils sont sur la défensive et valorisent l’indépendance. En cas de difficultés, ils ne perçoivent pas autrui comme une source d’aide. Leurs stratégies d’attachement visent à contrôler leurs émotions donc à être à l’affut du moindre signe émotionnel de l’autre pour ne pas ressentir d’affects négatifs. Leur régulation émotionnelle consiste à hypo-activer leur système émotionnel pour se mettre à distance des émotions négatives. En cas de perte de contrôle, ils peuvent devenir hostiles.
Préoccupé : avec un modèle de soi négatif en contraste avec une vision positive des autres. Ces adultes présentent une faible estime de soi, une idéalisation d’autrui, et une tentative de combler leurs doutes par un recours excessif aux autres. Dépendants des autres pour faire face aux aléas de la vie, ils sont souvent déçus et se sentent abandonnés et ou rejetés, ce qu’ils vivent très mal. Leur régulation émotionnelle est basée sur une hypersensibilité aux moindres signes d’abandon, de perte et/ou de rejet. Leur système de régulation est alors hyper-activé, ce qui génère de la colère et la détresse. Les stratégies d’attachement tentent d’induire une réassurance de la part de l’autre par une dramatisation du moindre aléa, et une recherche constante de soutien. Ils affichent leur vulnérabilité ressentie, leur faiblesse et semblent incompétents et impuissants face aux difficultés. Ils vont également tenter de plaire aux autres pour s’attirer leurs grâces et présentent une anxiété de réussite élevée.
Craintifs : leur modèle de soi comme celui des autres est négatif ce qui donne une image de soi comme indigne d’être aimé et autrui comme rejetant. Il en découle une peur de l’intimité et une peur de la solitude. Ces personnes vont rechercher le soutien des autres mais seront perpétuellement déçus. Leurs stratégies d’attachement sont basées sur une réactivité au stress exacerbée qui peut les conduire à un effondrement. En cas de stress modéré, ils peuvent développer des stratégies qui rejoignent les 3 autres styles. Leur besoin de soutien ne s’exprime que lorsque la situation les dépasse et qu’ils ne sentent plus en mesure de contrôler leurs émotions.
Guedeney et Genet précisent que ces 4 styles d’attachement adulte ont une incidence sur la gestion du stress, et la perception du soutien social, sur la compassion, l’altruisme et l’empathie ainsi que la résilience. L’approche du style d’attachement en tant que dimension d’un trait de personnalité permet d’expliquer les variations interindividuelles face aux aléas de la vie et ne constituent pas une valorisation du style sécure. De plus, il ne s’agit, ni d’associer styles insécures avec pathologie et inversement. En revanche, il s’agit bien d’une grille de lecture qui permet de mettre en évidences des facteurs protecteurs ou de risques dans les situations de vie sensibles. (Genet & Guédeney, 2015).
Attachement et transgénérationnel
Les travaux de nombreux auteurs ont mis en évidence une transmission intergénérationnelle du style d’attachement parental. Ainsi, une étude longitudinale sur le style d’attachement de 55 mères issues de milieux précaires et de leurs enfants a confirmé la transmission intergénérationnelle des stratégies d’attachement, en particulier, le style désorganisé. En revanche, cette étude a mis l’accent sur le fait qu’un renforcement de la qualité du support social des adultes permettait de faire évoluer un style maternel insécure en attachement sécure pour la génération suivante. (Lee Raby, K., … continuités ans changes en infants attachement patterns across two générations 2014).
Bowlby et Ainsworth postulent qu’un attachement sécure est prédicteur d’une bonne confiance en soi, d’une capacité d’autonomie et d’indépendance dans les attitudes, de bonnes compétences sociales à l’âge adulte, de capacités d’adaptation et de flexibilité face aux aléas des situations de nouveauté, de compétition, de stimulation cognitive, et de persévérance face aux difficultés. (Sroufe, 2005)

Conclusion
Pour conclure, la qualité des liens d’attachement précoces reste centrale dans le processus complexe qu’est le développement, notamment par la place qu’ils occupent dans l’orientation qu’ils donnent à ce processus. Toutefois, il convient de replacer ces résultats dans une perspective intégrative, dynamique et systémique du développement. D’une part, les liens d’attachement ne sont pas linéaires tout au long de la vie, d’autre part, c’est la combinaison avec d’autres facteurs d’influence (stimulation, guidance, fratrie et pairs d’âge, contexte social) qui orientent la trajectoire développementale vers une issue pathologique ou non. Une troisième spécificité tient à la complexité des processus développementaux qui module l’impact des styles d’attachement tout au long de la vie (Sroufe, 2005).
Pour en savoir plus :
Miljkovitch, R., Cohin, E. (2007). L’attachement dans la relation de couple : une continuité de l’enfance ? Dialogue, (175), 87‑96. https://doi.org/10.3917/dia.175.0087
Mistycki, V., Guedeney, N. (2007). Quelques apports de la théorie de l’attachement : clinique et santé publique. Recherche en soins infirmiers, (89), 43‑51. https://doi.org/10.3917/rsi.089.0043
Pierrehumbert, B. (2000). Histoire à compléter. La contribution du père et de la mère dans l’histoire de l’enfant.
Pierrehumbert, B., Torrisi, R. (2017). Attachement et stress, Attachment and stress. Enfance, (4), 429‑441. https://doi.org/10.4074/S0013754517004050
Trevarthen, C., Aitken, K. J. (2003). Intersubjectivité chez le nourrisson : recherche, théorie et application clinique, Summary. Devenir, 15(4), 309‑428. https://doi.org/10.3917/dev.034.0309