Thérapie Brèves – Psychothérapie

« Parler de problèmes crée des problèmes, parler de solutions crée des solutions »

Steeve de Shazer.

Introduction

Dans le vaste panorama des thérapies, il est fréquent d’évoquer les thérapies brèves par opposition à l’image caricaturale de la psychanalyse « à durée indéterminée ». En effet, une prise en charge dite « brève » est plutôt orientée sur les solutions (« comment »), tandis que les thérapies longues comme la psychanalyse sont orientées sur les causes (« pourquoi »).

Au-delà du cliché, il est intéressant d’approfondir le concept de thérapie brève et plus particulièrement la thérapie orientée solution. En effet, les aspects à la fois intégratifs, pragmatiques et humanistes (le respect de la souffrance et la non-violence) centraux dans cette pris en charge, semblent pertinents.

Les thérapies brèves

Un peu d’histoire

Rappelons que le courant dominant la psychothérapie depuis le début du 20ème siècle était psychanalytique. La seconde guerre mondiale va marquer un tournant dans la pratique psychothérapeutique. Megglé (2002) met en avant 3 facteurs d’émergence des thérapies brèves au États-Unis :

  • La nécessité de trouver des méthodes rapides et efficaces pour soigner les soldats atteints de troubles psychiques (deux fois plus nombreux que ceux hospitalisés pour des blessures) afin de les renvoyer au plus vite au front ;
  • Le fait que les écoles Freudienne étaient non seulement centrées sur leurs théories mais aussi enseignées dans les facultés de médecines, donc inaccessibles aux psychologues et aux travailleurs sociaux qui se tournèrent donc vers d’autres approches ;
  • L’explosion des coûts de santé et la nécessité de traiter un nombre plus important de patients efficacement et rapidement.

Poupard, Martin et Pedinielli (2012) précisent que dans ce contexte, un concept fondamental pour les thérapies brèves va émerger. Il s’agit d’une technique qui consiste à exposer le patient à une expérience émotionnelle traumatique à laquelle il a déjà été confronté. C’est par la mise en place d’un contexte favorable que le patient va vivre une expérience émotionnelle correctrice et ainsi surmonter l’obstacle. C’est également dans ce contexte que les techniques de Milton H. Erickson vont retenir l’attention : ne pas lutter contre les défenses de l’inconscient mais s’appuyer sur les ressources du patient, ne pas chercher l’insight mais proposer de nouvelles expériences.

Doutrelugne, Cottencin, et Betbèze (2013) mettent en avant le rôle déterminant des travaux du Mental Research Institute à Palo Alto dans les années 80, pour le développement des thérapies brèves. Ainsi, Gregory Bateson souligne l’importance du contexte pour comprendre le comportement humain. Ce n’est plus l’individu, seule source de son mal-être, mais aussi ses interactions avec le contexte dans lequel il évolue qui génèrent des souffrances. Le concept de double lien explique qu’une personne confrontée à une injonction paradoxale ne peut échapper au dilemme et donc va s’adapter par des attitudes qui semblent irrationnelles.

Qu’est-ce que la thérapie brève ? Valeurs et postulats

De nombreux modèles psychothérapeutiques proposent une prise en charge qui relève des thérapies brèves. Toutefois, questionner la notion de brièveté du point de vue de la durée dans le temps ou du nombre de séances, serait pour le moins réducteur. Il est donc nécessaire de mettre en évidence les valeurs, postulats et principes que l’on retrouve dans les modèles de thérapies brèves quel que soit le courant psychothérapeutique dont elles relèvent.

Au plan des valeurs, Megglé (2002) précise que les thérapies brèves se distinguent par opposition aux modèles de thérapies longues sur les points suivants :

  • Il ne s’agit pas de modifier la personnalité du patient mais bien de répondre à une demande plus modeste, de régler une problématique de manière pragmatique. La problématique qui conduit le patient à consulter n’est pas perçue comme la conséquence d’une pathologie structurale sous-jacente qui doit être traitée pour la régler. Le problème est au cœur de la prise en charge afin de développer les ressources et compétences du patient pour régler cette problématique.
  • La personne évolue dans un contexte environnemental auquel elle est en perpétuelle adaptation. Cela implique que les changements psychologiques interviennent dans sa vie quotidienne et non que des changements psychologiques réalisés en thérapie modifient sa vie quotidienne. C’est bien l’expérience qui produit le changement et non la prise de conscience. Ainsi, le changement thérapeutique se produit en dehors des séances et continue après la thérapie.
  • Le patient est « impatient » et souhaite un changement rapide car il ne souhaite pas attendre avant de percevoir les effets de la thérapie.
  • Plus le coût de la thérapie, tant au plan financier que psychique, est modéré, mieux c’est.

De ces valeurs, émergent 3 postulats fondamentaux dont découlent des principes qui se déclinent au travers de techniques et procédés thérapeutiques (Poupard, Martin & Pedinielli, 2012). Rappelons qu’un postulat est une affirmation que l’on tient pour acquise sans qu’elle soit démontrée.

Le postulat de la compétence et des ressources du patient

Ce postulat, repose sur l’idée que le patient dispose des ressources et compétences nécessaires pour trouver des solutions à ses problématiques et les mettre en œuvre. Ainsi, le thérapeute est un activateur du processus de changement. Cela implique que le cadre de l’intervention thérapeutique est bien celui d’une collaboration entre d’une part le thérapeute en tant que facteur d’émergence des solutions et le patient qui reste l’expert.

Le postulat de l’importance primordiale de l’expérience et de l’interaction dans le changement

Ce n’est pas seulement le patient mais aussi les schémas relationnels entre lui et les autres personnes qui vont induire le changement. L’idée est que le problème auquel le patient fait face est non seulement la résultante des interactions entre lui et son contexte relationnel, mais aussi conforté par ce contexte. Afin d’induire le changement, il convient de modifier les interactions entre le patient et son contexte relationnel par l’expérience. Le relationnel du patient avec son contexte de vie est donc primordial dans la volonté du changement. Il convient de préciser que ce postulat rejoint largement l’approche systémique qui le place au cœur de ses modèles thérapeutiques.

Le postulat de la durée

Au-delà du nombre restreint des séances, ou d’une durée de thérapie définie dans le temps, ce postulat suppose d’une part l’efficacité, ce qui consiste à se centrer sur une problématique pour laquelle le patient souhaite un changement et d’autre part que le travail initié en séance se poursuit en dehors. Le fait de solliciter le potentiel de ressources et compétences du patient pendant la séance, invite celui-ci à modifier ses schémas de fonctionnement. Le processus de changement est donc dynamique et se poursuivra dans la vie quotidienne du patient.

Les principes et techniques d’une thérapie brève

De ces trois postulats, découlent des principes et techniques qui guident le travail thérapeutique selon que l’on se place du point de vue du patient, du point de vue du thérapeute ou encore de la demande et du processus thérapeutique.

Par rapport au patient

Rendre le patient actif et expert

Le thérapeute est expert du processus et le patient du contenu ; le thérapeute veille à restituer la liberté de choisir au patient, c’est là l’un de ses rôles fondamentaux pour la bonne mise en œuvre de la thérapie. Cabié et Isebaert (1997) diront à ce propos que l’objectif global de la thérapie et de « Redonner la liberté de choix là où le patient ne pensait plus l’avoir ».

En outre, le patient est en position d’acteur au travers d’une liste de tâches thérapeutiques qu’il aura à effectuer en dehors des séances. Ces tâches peuvent être diverses :

  • Développer un comportement affirmé (exprimer ses besoins et désirs, respecter les besoins et désirs de l’autre, être clair et précis dans son expression, etc.) ;
  • Écrire un journal personnel (comme un journal de la gratitude par exemple) ;
  • Faire une boîte à émotions et y mettre ses émotions quotidiennes, qu’elles soient positives ou négatives ;
  • Noter ses cognitions négatives, etc.

Accomplir certaines tâches entre les séances permet au patient de prendre du recul sur sa situation et de faire des liens entre les comportements, les émotions et les cognitions. Elles favorisent l’autonomie du patient, son estime de soi et lui donnent l’occasion de constater les progrès effectués au fil des séances. Ainsi, le travail initié en séance se poursuit dans la vie quotidienne.

La solution appartient au patient : il s’agit avant tout d’encourager le patient à explorer d’autres solutions que celles déjà mises en place sans succès ou d’explorer la raison de l’échec. C’est bien le patient qui détient ses propres solutions adaptées à son contexte.

Développer des sources de soutien supplémentaires

La littérature a largement montré l’importance du soutien social et notamment du soutien social perçu. Dès lors, il peut être intéressant pour les patients de chercher des groupes de soutien divers qui peuvent être une ressource après ou pendant la thérapie.

Utiliser ce qui est apporté par le patient

Haley (1973) décrit l ‘importance d’accepter la résistance. Il s’agit de s’appuyer sur ce que dit le patient, sur ses symptômes et sur ses résistances. Conformément aux principes d’Erickson, il convient d’utiliser les processus mentaux du patient pour faire évoluer le symptôme vers une réduction à une situation très peu dérangeante, voire une disparition totale.

Par rapport au thérapeute

Le thérapeute, un facilitateur du changement

Le thérapeute instaure un contexte propice à l’émergence des solutions. En début de thérapie, il propose un cadre sécure et bienveillant qui permettra au patient de se sentir entendu sans jugement. L’alliance thérapeutique est primordiale et le patient doit se sentir à l’aise pour oser aborder toutes les facettes de ses difficultés. Dans le second temps de la thérapie, le contexte adapté consiste à orienter le patient vers la recherche de solutions. Dans le troisième et dernier temps de la thérapie, il convient de consolider les compétences développées par le patient. De nouveau, le patient est interrogé en tant qu’expert pour repérer les indicateurs qui lui permettent de ne savoir qu’il n’a plus besoin de la thérapie.

Respect des ressources et des limites du patient

La collaboration respectueuse et non violente entre le thérapeute et le patient se traduit par la mise en œuvre de quelques notions essentielles :

  • Être le garant du cadre et du maintien de l’objectif convenu. Respecter les priorités du patient.
  • Le thérapeute est un expert des processus de changement et du maintien du cadre. Le patient est l’expert de sa vie et sa problématique.
  • Le thérapeute présente des suggestions clairement sans les imposer et en rappelant les différents choix possibles, y compris celui de ne pas adhérer à la suggestion.
  • Le thérapeute s’adapte au patient et non l’inverse.

Par rapport à la demande et au processus thérapeutique

Lors de la première séance, le thérapeute pose un cadre à la thérapie, d’où l’importance de se focaliser sur un thème comme objectif de travail.

Décider ce sur quoi le thérapeute et le patient vont travailler : l’objectif

Le thérapeute encourage le patient, à définir un seul but à la fois dans sa psychothérapie. En effet, ce type de prise en charge donne l’occasion de se concentrer sur un thème particulier et chaque séance portera sur le sujet identifié, ce qui améliore les chances de succès de la thérapie brève (Preston, 2003). Ainsi il convient de ne pas dévier de l’objectif défini. Le thérapeute est le garant à la fois du cadre et du maintien de l’objectif même si d’autres problématiques émergent en cours de thérapie.

Travailler dans l’ici et maintenant

Mettre en évidence les interactions entre le patient et son contexte de vie en l’invitant à exposer des exemples concrets de situations qui illustrent la problématique, le thérapeute met en évidence le jeu des influences réciproques des attitudes du patient mais aussi de son entourage et son environnement.

Explorer les tentatives de solutions et évaluer leur efficacité, (principe issu des travaux de l’école de Palo Alto). Ainsi, le patient peut réaliser que certaines solutions, qui ont pu se révéler efficaces et utiles, ne sont plus adaptées et ainsi ne plus persister dans un comportement qui participe au problème.

Utiliser des logiques non ordinaires

Issu directement de l’école de Palo Alto, ce principe oppose les logiques ordinaires c’est-à-dire mathématiques, aux logiques irrationnelles, incohérentes voire contradictoires qui gouvernent le fonctionnement de l’esprit humain. Dans la logique de notre société rationnelle, il est courant de tenter de déconstruire un schéma de fonctionnement inadapté par la raison ou l’exposition progressive à l’objet d’une phobie par exemple. La logique non ordinaire va consister à introduire un élément nouveau et illogique dans la séquence d’actions ou réactions habituelles. Cela permet de déplacer l’attention de la personne et ainsi rompre le schéma.

Garder à l’esprit que la brièveté est une conséquence et non un but

La brièveté est la conséquence d’une manière de penser et d’agir, d’une conception pragmatique et stratégique de la psychothérapie, dans un profond respect de la souffrance du patient. L’idée est qu’il est du devoir du thérapeute de soulager cette souffrance de la manière la plus rapide qui soit.

Nicolas Cummings, souligne que « le patient a le droit au soulagement le plus rapide, le plus complet et le plus durable possible de sa souffrance et ce de la façon de moins envahissante qui soit. Il ne sera rien demandé qui soit illégal, immoral ou impossible. En contrepartie, le thérapeute fera tout pour se rendre inutile aussi vite que possible ».

La thérapie brève centrée sur la solution

La thérapie brève centrée sur la solution a été initialement développée par Steve de Shazer et Kim Berg au Centre de thérapie familiale de Milwaukee Brief au début des années 1980.

On peut la qualifier comme un modèle psychothérapeutique visant à s’axer sur la mise en évidence et la création de solution plutôt qu’une focalisation sur le problème et les tentatives de résolution de ce dernier. Ainsi, nous pouvons considérer cette forme de thérapie brève comme une forme non violente et non intrusive de psychothérapie, en ce sens où la compréhension fine de la complexité du problème n’est pas fondamentale à la démarche thérapeutique, celle-ci s’orientant vers les pans et moments de la vie du sujet durant lesquels le problème n’est pas présent, c’est-à-dire les exceptions au problème, ce qui permettra la génération d’une solution, celle qui permettra une nouvelle forme d’interaction entre le sujet et son contexte. Ainsi, comme le souligne Doutrelugne, Cottencin et Betbèze (2013), on ne cherche plus à comprendre le « pourquoi-passé », mais le « comment-présent ». Ils ajoutent que cette approche thérapeutique vise à aider l’autre en le respectant, pas en le guidant. La métaphore du cheval d’Erickson est tout à fait illustrative de ce qui est prôné par cette thérapie : Un cheval s’est égaré, celui qui le trouve ignore d’où il vient ; il le remet sur la route et le cheval le conduit à la ferme de son propriétaire. Erickson ajoute : « Nous remettons les gens sur la route, eux connaissent leur chemin ». De Shazer dit que « L’avenir est à la fois créé et négociable, […] les personnes sont les architectes de leur propre destin. » (De Shazer & Dolan, 2012, p.3)

La thérapie brève centrée sur la solution est une approche relativement moderne, pragmatique, qui s’inspire des travaux issus de l’approche psychothérapeutique de Milton Hyland Erickson ainsi que de l’école Palo Alto, fondée par Gregory Bateson, en collaboration avec John Weakland, Jay Haley, Paul Watzlawick, Donald D. Jackson, Richard Frish, et William Fry, à partir des années 1950.

Milton Hyland Erickson peut être considéré comme l’un des pères fondateurs de la thérapie brève. Il pose d’emblée le patient en position d’expert ainsi que la nécessité d’adapter la technique thérapeutique employée pour accompagner de la manière la plus efficiente possible le patient vers l’émergence de sa propre solution et non l’inverse car ce n’est pas au patient de s’adapter à la technique. Erickson fait du « contexte » un concept central de son approche. Il se saisit à la fois de ce que présente le patient, son cadre de vie, le contexte, mais aussi de ce qui lui était, et qui serait utile pour la thérapie. Il considère le thérapeute comme un contexte de changement (Virot, 1988).

L’école Palo Alto est constituée d’un groupe de chercheurs dont les travaux couvrent trois principales orientations de recherche : une théorie de la communication, une méthodologie du changement et une pratique thérapeutique, unifiées par leur référence commune à la démarche systémique (Marc & Picard, 2000). Cette démarche consiste à ne pas prendre en compte l’individu seul, mais de le considérer comme un élément faisant parti d’un système. Cette conception démontre donc un principe de rétroaction, confirmant l’influence réciproque entre le sujet et son environnement et la nécessité de tenir compte de la complexité de ces boucles relationnelles, où chaque action est suivie d’une réaction (Lambrette & Galan, 2016). Une situation de crise dans cette perspective est perçue comme un déséquilibre du système, et offre une perspective de changement, par l’instauration d’un nouvel équilibre, et donc la transformation du système (Cambien, 2007).

L’ensemble de ces considérations a amené les chercheurs à développer un modèle thérapeutique d’une thérapie brève, systémique et stratégique, dont les bases au travail thérapeutique s’assimilent à l’orientation vers les solutions, le minimalisme de l’approche, le recadrage, la prescription de tâches, que l’on retrouve dans le modèle psychothérapeutique développé par de Shazer et Kim Berg.

La construction d’une solution

Les étapes du modèle de la construction de solution sont :

Décrire le problème

L’écoute du problème est fondamentale dans la mesure où elle permet au patient de se sentir entendu dans sa souffrance.

Élaborer des objectifs

Cette étape sera aussi l’occasion d’amorcer le travail thérapeutique par l’élaboration d’objectifs, qui se doivent d’être clairs, concrets, et spécifiques (de Shazer & Dolan, 2007). Le thérapeute veille à proposer des objectifs petits plutôt que grands, afin de favoriser la réussite et conforter les capacités du patient à remplir un tel objectif, et ainsi éviter la mise en échec et la démotivation.

Explorer les exceptions

Lors de cette étape, le thérapeute explore avec le patient les moments où les problèmes ne se produisent pas ou sont moins graves, ceux-ci variant forcément en intensité ou en fréquence (Doutrelugne, Cottencin & Betbèze, 2013). Le fait de traquer ces exceptions permet un changement de perspective en regardant ce qui a été différent des moments où le problème est présent, ce qui implique un développement des circonstances d’exceptions, conscientes, volontaires, logiques ou non.

S’appuyer sur les compétences du patient

Erickson en son temps utilisait déjà les ressources de ses patients, notamment dans la visée d’un transfert de compétences, c’est-à-dire qu’une compétence spécifique dans un domaine peut avoir une utilité concrète ou métaphorique dans un autre domaine. Le thérapeute et le patient pourront mettre à jour différentes compétences, en explorant de multiples domaines comme les passions ou les petites qualités reconnues, concrètes afin de choisir la compétence la plus appropriée à l’atteinte de l’objectif.

À la fin de chaque séance le thérapeute peut émettre quelques suggestions qui portent sur ce que pourrait faire le patient pour aller plus loin dans la résolution de son problème. Cela peut être des tâches d’observation des tâches de comportement pour encourager le patient à effectuer des tâches qui l’aident.

Au vu de ces différentes étapes, on peut constater que dans ce type de prise en charge, les patients sont vus comme les experts de leur propre vie. Dès lors, le thérapeute n’est pas considéré comme un spécialiste des problèmes des patients mais comme un professionnel s’appuyant sur le cadre de référence et les perceptions du patient afin de déployer le processus de construction de solution.

L’accent est alors mis sur la solution et non pas sur le problème, ce qui permet d’accroître la motivation des patients. Dans cette perspective, les thérapeutes pratiquant ce type de prise en charge partent du postulat que malgré les difficultés de la vie, chacun d’entre nous « possède des points forts qui peuvent être mobilisés pour améliorer sa qualité de vie » (De Jong & Berg, 1998).

Conclusion

Le premier point positif concernant cette approche est la multiplicité des champs d’application que recouvre cette dernière. A titre d’exemple, citons une méta-analyse démontrant l’efficacité de la thérapie brève centrée sur les solutions dans le milieu médical (Zhang, Franklin, Currin-McCulloch, Park & Kim, 2017), avec un effet global significatif sur les aspects psychosociaux liés à la santé (dépression, adaptation psychosociale à la maladie).

D’autres équipes de recherches ont démontré un intérêt de la thérapie brève centrée sur les solutions pour la prise en charge des troubles anxio-dépressif et de la potentialisation du sentiment d’auto-efficacité chez des patients ayant subi un AVC (Wichowicz, Puchalska, Rybak-Korneluk, Gąsecki, et Wiśniewska, 2017), de la toxicomanie et des traumatismes (Kim, Brook, et Akin, 2016).

Miller, Hubble et Duncan (1996) mettent en évidence une utilisation de la thérapie brève centrée sur la solution à la fois dans les écoles, les services à la famille, de santé mentale, de protection de l’enfance, dans les services sociaux publiques, et dans les hôpitaux, démontrant la diversité des terrains d’intervention envisageable avec cette approche.

Le second point positif de la thérapie orientée sur les solutions est qu’elle est flexible. En effet, cette dernière peut se pratiquer dans le cadre d’une prise en charge systémique, que ce soit avec des couples, des familles ou encore avec des groupes ou des équipes de travail, avec les enfants, les adolescents et les adultes, quelle que soit la classe sociale ou les origines ethniques.

Toutefois, certains troubles comme le psychotraumatisme (TSPT, traumatisme complexe, trouble de l’attachement, etc.) nécessitent d’effectuer une désensibilisation et un retraitement de la mémoire traumatique ce qui impose d’orienter ses efforts vers le passé, comme il peut être fait avec des techniques comme l’hypnose ou l’EMDR.

Pour conclure, la thérapie orientée sur les solutions est une forme de prise en charge non violente et non intrusive, mettant l’accent sur la création de solutions et les compétences du patient, ce qui permet de souligner sa philosophie humaniste.

Des similitudes entre la thérapie orientée sur les solutions et la « psychothérapie positive » développée par Seligman peuvent être mises en évidence. En effet, la psychothérapie positive a été proposée comme prise en charge de la dépression en détournant les patients de la spirale négative dans laquelle ils sont entraînés (humeur dépressive, perte d’intérêts pour toute activité, perte d’énergie, sentiment de dévalorisation, perte du goût de vivre, etc.) et leur faisant prendre conscience de leurs forces (Seligman, Rashid & Parks, 2006). Aussi, de par sa focalisation sur la recherche de solution et sur les compétences et ressources plutôt que sur l’élaboration du problème, cette thérapie semble pouvoir s’intégrer avec le courant de la psychologie positive.

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